Diriger une entreprise financée par un fond d’investissement, 3 questions à Sabrina Herlory Rouget, CEO d’Aroma-Zone

22/01/2024

Sabrina Herlory Rouget est directrice générale d’Aroma-Zone depuis 2021, une société fondée par la famille Vausselin, pionnière dans l’aromathérapie et la vente en ligne de cosmétiques et soutenue par Eurazeo. Elle a précédemment dirigé MAC Cosmetics pour la France après avoir dirigé « L’Occitane » pour l’Europe. Elle est diplômée d’HEC Paris, en 2003

Citoyenne engagée, elle est également porte-parole de la ‘ Fondation des femmes ‘, marraine de la Maison des femmes de St Denis, administratrice de ‘ Toutes À l’Ecole ‘.

 

Vous êtes actuellement PDG d’une entreprise détenue par un fonds d’investissement. Vous avez occupé des postes de direction dans de grandes entreprises internationales et dans des entreprises familiales. Comment trouvez-vous l’équilibre entre un PDG et un investisseur financier actif ?

Les sociétés de private equity offrent un haut niveau d’autonomie. Elles sont également agiles et leur processus de décision est rationnel. Cette rapidité d’exécution me permet, en tant que PDG, d’être plus créative. Aujourd’hui, la créativité et la réactivité sont essentielles car nous vivons dans un environnement qui exige des changements et des ajustements constants. Il est plus difficile pour les grandes entreprises de réagir rapidement et d’anticiper le changement.

Les échanges mensuels réguliers avec notre actionnaire obligent nos équipes à se concentrer efficacement sur les bons sujets et à être bien préparées. C’est un travail d’équipe car je crois à la diversité des talents et des expertises, et non à la toute-puissance d’un PDG.

L’équipe d’Eurazeo apporte une granularité d’analyse et agit comme un sparring-partner, utile pour réinventer, transformer et faire évoluer la société.

Au moment de l’acquisition, j’ai rencontré plusieurs fonds d’investissement. J’ai passé beaucoup de temps avec l’équipe d’Eurazeo, et j’ai volontairement choisi de travailler avec eux et avec Amandine Ayrem en particulier.

Amandine et moi avons une relation de confiance construite sur des valeurs communes. Elle comprenait non seulement l’activité et ses moteurs financiers, mais aussi ce que représentait Aroma-Zone en termes de raison d’être. Nous étions tout à fait d’accord sur la vision de l’entreprise et sur son impact sur la société au sens large. Ces deux critères sont tout aussi importants pour moi et ont motivé mon choix.

À ce stade, il est plus facile d’opérer une telle transformation dans le cadre d’une entreprise privée que sur les marchés publics, ces dernières étant plus axées sur le court terme.

 

 

L’ADN d’Aroma-Zone est de mettre à disposition du grand public des produits 100% naturels, comment intégrez-vous les contraintes ESG et le respect de l’environnement dans la gestion de l’entreprise ?

Aroma-Zone est une entreprise “ESG native”. L’ESG est au cœur de notre ADN. Nous sommes fiers d’être des leaders dans ce domaine, mais nous restons humbles car le chemin à parcourir est complexe et à défricher.

Notre objectif premier a toujours été de réduire les déchets et d’éviter les emballages excessifs. L’industrie cosmétique a traditionnellement tendance à sur-emballer les produits, ce qui entraîne beaucoup de déchets. Nous essayons de changer les usages et de n’utiliser qu’un seul flacon pour nos produits.

Nous ouvrons également la voie à l’éco-remplissage des produits et à la vente en vrac dans les magasins physiques. C’est un processus de longue haleine. Cependant, nous avons atteint un record de 1,9 million d’éco-recharges vendues pour nos sérums en 2023.

La décarbonisation est un défi de taille et, parallèlement, nous travaillons en étroite collaboration avec l’industrie agricole pour investir dans l’agriculture régénératrice et la développer.

Nous pensons également qu’il est nécessaire d’éduquer nos clients pour qu’ils adaptent leurs comportements et leurs attentes à un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Nous avons 2 millions de clients actifs en France et nous sommes donc un agent essentiel du changement.

Notre taille nous permet d’être agiles et d’explorer de nouvelles façons de produire et de vendre par rapport aux business models traditionnels, qui ont souvent du mal à supporter les contraintes ESG et à se transformer.

Enfin, l’accélération de nos efforts vers une entreprise toujours plus durable repose sur notre performance financière et notre capacité à autofinancer cette transformation.

Vous êtes une femme occupant un poste de direction dans le secteur du private equity qui est dominé par les hommes ; comment évaluez-vous la situation ? Comment la changer ?

Mon approche consiste à ne pas me considérer comme une « outsider”. Jamais.  Je travaille avec des homologues intelligents qui veulent créer de la valeur et être de bons citoyens responsables. L’accent est mis sur la performance, l’excellence et la création de valeur.

Ce n’est pas facile, mais c’est motivant et très enrichissant. J’espère pouvoir être un exemple et un modèle pour certains. Plus il y aura de femmes dans le secteur, plus il en attirera. C’est un cercle vertueux.

J’encourage les femmes à ne pas avoir peur de créer leur propre histoire.

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